Plan vélo : comment les acteurs de la mobilité routière peuvent-ils contribuer à sa réussite ?
Alors que de nombreux trajets de courtes distances pourraient être effectués à vélo, aujourd’hui 40% des français utilisent leur voiture pour des trajets de moins de 5 kilomètres. La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) ayant fixé l’objectif d’augmenter la part modale du vélo à 12% à horizon 2030, comment les acteurs de la mobilité routière peuvent-ils contribuer à sa réussite ? C’est la question qui a été posée à 5 experts à l’occasion d’un webinaire organisé par l’URF le 6 décembre 2022.
Le potentiel du vélo
Pour Guillaume Martin, ingénieur énergies, climat et mobilités au sein du cabinet de conseil BL évolution à l’origine d’une étude intitulée La France à 20 minutes à vélo, « quel que soit le type de territoire, on a quand même une bonne proportion des déplacements qui sont des déplacements courts et donc sur lesquels on peut envisager un report modal vers le vélo. »
D’après cette étude c’est en effet « 60 à 80% de la population qui se trouve à moins de 20 minutes à vélo d’un ensemble de pôles et services matérialisant une bonne partie des besoins de déplacements ». Sachant que « 60 à 75% des déplacements font moins de 10 kilomètres » un changement de mobilité est donc tout à fait envisageable, à condition toutefois de proposer des aménagements qui y soient favorables.
Des voiries propices aux mobilités douces et actives
Pour Elie Spiroux, Directeur Stratégie commerciale et marketing au sein d’Eiffage France, il est important que les routes destinées aux mobilités douces et actives y soient propices. Pour lui en effet, « à partir du moment où l’on fait l’effort d’abandonner la voiture pour prendre le vélo de manière régulière, l’idée c’est aussi de se dire que l’on peut circuler sur des infrastructures qui permettent un certain confort et une certaine sécurité, mais également qui représentent une forme d’atteinte au territoire moindre. »
Les infrastructures destinées aux modes doux et non-carbonés comme le vélo ou la marche doivent également selon lui faire preuve de cohérence et donc être « beaucoup plus en lien avec un souci environnemental ». Au sein d’Eiffage, cela se manifeste notamment par un important travail sur le choix de matériaux permettant de réduire la dépense énergétique et les émissions de CO2 engendrées par la construction des infrastructures.
De nouveaux services adaptés
Il y a pour Jean Le Naour, représentant Expert Cycles au sein de Mobilians tout un paradoxe entre la simplicité apparente du vélo et la complexité des leviers permettant son déploiement. La multiplicité des acteurs, des services, des produits ou même des usages liés à la pratique du vélo tendent en effet à complexifier les potentialités de son déploiement. D’après lui, « un des enjeux c’est de trouver le moyen de structurer un peu mieux sans freiner le développement du vélo ».
Pour lui, les sujets de qualification, de formation, d’employabilité et de compétences de la filière vélo sont essentiels. Au sein de Mobilians, il travaille par ailleurs à déterminer « comment (…) réunir le monde de l’automobile avec le monde du vélo pour rouler ensemble et non pas être dans une certaine forme d’opposition » en développant ce qu’il appelle des « modules transversaux d’empathie destinés à mieux comprendre les problématiques des autres ».
L’éducation à l’usage du vélo
Pour Anne Lavaud, Déléguée générale l’Association Prévention routière, la pratique du vélo a fortement progressé depuis la crise sanitaire[1] mais a également été accompagnée d’une augmentation importante de la mortalité à vélo[2]. La partie « savoir rouler à vélo » du plan vélo est donc d’après elle absolument indispensable dans un contexte où la compétence est en train de se perdre.
Pour elle, il est par ailleurs fondamental que « le « savoir rouler à vélo » ne vienne pas occulter toute l’éducation routière » associée à la notion de partage de la route. Elle ajoute en effet qu’il est « très important que l’éducation routière reste une façon de se comporter par rapport aux autres (…) [et] que cette mobilité soit comprise dans son intégralité ».
Les défis à relever
D’après Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports, le vélo doit pouvoir être en mesure de contribuer à l’atteinte des objectifs de neutralité carbone fixés par la SNBC. Pour lui, « Le vélo s’inscrit surtout dans le levier de report modal mais doit être mobilisé en combinaison avec d’autres leviers comme la réduction des distances (…) il réussira d’autant plus à se développer que l’on réussira à se tourner vers un aménagement des modes de vie plus en proximité. »
Pour prendre la place qu’il mérite dans la décarbonation des mobilités, le vélo doit également être en capacité de se déployer sur de plus longues distances. Il faut ainsi « réussir autant que possible à aller chercher des distances plus lointaines si on veut avoir un potentiel important ». Le report modal doit bien-sûr être favorisé mais il y a également selon lui « toute une diversité de véhicules qui peuvent permettre d’étendre le domaine de pertinence du vélo » et qui pourraient trouver leur place dans la catégorie des véhicules intermédiaires.