Les véhicules intermédiaires : en route pour « l’extreme défi »
Gabriel Plassat, co-fondateur de la Fabrique des Mobilités et Ingénieur Énergies et Prospectives sur les sujets Transport et Mobilités au sein de l’ADEME est à l’origine de l’eXtreme défi, un défi consistant à faire imaginer à tout un écosystème territorial, aux « Industriels, Territoires, Compagnons, Candidats » le véhicule de demain et les conditions de son déploiement. Il revient sur cette initiative ainsi que sur l’intérêt que présentent les véhicules de taille intermédiaire pour la transition des mobilités dans les territoires ruraux.
Quelles sont les caractéristiques des véhicules intermédiaires et quels intérêts présentent-ils pour la mobilité de demain ?
Les véhicules intermédiaires se situent entre le vélo électrique et l’automobile. Il en existe de nombreuses catégories : de deux, trois ou quatre roues, de différentes puissances ou même de vitesses maximales. Ils peuvent aller jusqu’à 80 kilomètres par heure.
L’ADEME s’intéresse à ces véhicules parce qu’ils présentent un intérêt du point de vue de leur efficacité énergétique. La quantité d’énergie par kilomètre parcouru d’une voiture est d’environ 150 wattheures par kilomètre alors que celle d’un vélomobile peut aller jusqu’à 8. Le premier intérêt est donc relatif à l’efficacité énergétique.
Le deuxième intérêt des véhicules intermédiaires est relatif à la consommation de matières premières. Ces véhicules consommant moins de matières, il leur faut moins d’énergie pour être produits.
Au travers de l’eXtreme défi nous voulons aller un petit peu plus loin en amenant les participants à présenter des véhicules éco-conçus et donc, fabriqués à partir de matières qui viennent des déchets d’autres industries. L’idée est donc de produire des véhicules qui vont durer très longtemps et qui seront démontables et remontables.
Enfin, un dernier point important à souligner est que l’objectif de ces véhicules est qu’ils soient moins chers qu’une automobile. Leur prix est en général compris entre 3000 et 8000 euros.
En quoi consiste l’eXtreme défi que vous avez lancé à l’ADEME et quel est son cahier des charges ?
L’eXtreme défi cible les territoires ruraux. Au sein de ces territoires, la dépendance à l’automobile est souvent très forte puisqu’il n’y existe la plupart du temps pas de solutions de transports en commun. Les véhicules intermédiaires y ont par conséquent toute leur place.
L’eXtreme défi consiste ainsi à développer une collection d’objets roulants transportant une à deux personnes. Chaque véhicule doit être dix fois moins cher qu’une automobile, dix fois plus simple, dix fois plus durable, dix fois moins puissant et dix fois plus léger.
Le cahier des charges est à la fois flou sur la forme du véhicule attendu et précis sur ces performances et caractéristiques. On s’intéresse à toutes les formes, toutes les catégories, toutes les puissances et toutes les vitesses maximales de véhicules intermédiaires puisque ces derniers doivent être en mesure de pouvoir s’adapter aux particularités de certains territoires.
L’objectif de l’eXtreme défi consiste aussi à rassembler des parties prenantes. D’abord des équipes qui vont concevoir des véhicules, et que l’on cherche à faire aider des compagnons, mais également des organisations partenaires comme des industriels, des universités, des laboratoires ou même des équipementiers. Enfin, des territoires dans lesquels vont être accompagnées les expérimentations.
La première année du projet est désormais terminée, il s’agissait de la phase dite d’idéation. Elle consistait à inviter des équipes à imaginer un véhicule répondant à ce cahier des charges et a donné lieu à la formation de 43 équipes de 3 personnes minimum qui ont imaginé des concepts de véhicules.
L’année prochaine, ces concepts vont être prototypés et expérimentés en parallèle d’une nouvelle phase d’idéation initiée avec de nouvelles équipes. En 2024, une partie de ces véhicules devrait être industrialisée.
“Chaque véhicule doit être dix fois moins cher qu’une automobile, dix fois plus simple, dix fois plus durable, dix fois moins puissant et dix fois plus léger.”
Pensez-vous que ces véhicules intermédiaires pourront réellement se faire une place dans la mobilité de demain ?
De nombreux territoires sont partenaires de l’eXtreme défi et ce qu’on leur demande, c’est finalement de nous aider à créer des conditions favorables au déploiement de ce type de véhicules.
Ces territoires peuvent par exemple agir en organisant un réseau de voies secondaires et en réalisant des aménagements facilitant le déploiement de ces véhicules. Ils peuvent aussi agir en réduisant la vitesse maximale sur leur territoire ou même en créant une association en charge d’aider les citoyens à tester ces nouveaux véhicules.
Dans ces territoires qui pensent que ce type d’initiative va jouer un rôle dans la mobilité de demain et qui sont actifs sur ces sujets, la première étape va être celle de l’expérimentation. Il s’agit de montrer que c’est à la fois le véhicule et l’environnement qu’il faut faire un petit peu évoluer.
Ensuite, il est important de faire une analyse des usages et de déterminer comment les ménages s’organisent pour transformer leurs habitudes et passer d’une automobile à un véhicule intermédiaire. Finalement, l’idée est de montrer qu’avec des ajustements des particuliers, de la collectivité et du véhicule, on met en fait en mouvement l’ensemble d’un système.
Quelles solutions proposez-vous pour les trajets « longue distance » ?
La plupart des déplacements quotidiens sont compatibles avec les véhicules de taille intermédiaire. On peut donc tout à fait envisager l’utilisation de ces véhicules-là comme véhicules principaux au sein des territoires ruraux et pour couvrir quelques dizaines de kilomètres par jour. En ville, les transports publics, la marche et le vélo pourraient quant à eux répondre aux besoins de déplacements quotidiens.
Pour les déplacements longues distances réalisés la plupart du temps de façon occasionnelle, quand le train n’est pas pertinent, je pense que la location de voiture « classique » présente un intérêt. Quand les trajets sont occasionnels, il n’y a selon moi pas d’avantage à posséder un véhicule qui la plupart du temps reste à l’arrêt.