Quels sont les objectifs de l’autoroute bas-carbone ?
Le chantier de l’autoroute « bas-carbone » est en cours et figure parmi les principales actions visant à décarboner les mobilités. Entre l’adaptation du réseau autoroutier aux nouvelles mobilités (intermodalité, multimodalité, mobilité partagée ou même connectée…) et le déploiement d’infrastructures adaptées aux véhicules moins émetteurs (bornes de recharge destinées aux véhicules électriques, stations de distribution d’énergie bas carbone, systèmes de routes électriques (ERS)…), de nombreuses initiatives figurent à l’agenda des sociétés d’autoroutes. En quoi consistent-elles ?
Entretien avec Christophe HUG, Directeur général adjoint de VINCI Autoroutes, en charge de la maîtrise d’ouvrage et de la démarche « Ambition environnement 2030 ».
Quel rôle l’autoroute a-t-elle à jouer dans la décarbonation des mobilités ?
La quasi-totalité des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports provient de la route, et 25% de cette part provient des autoroutes. Malgré les efforts en cours visant à inciter les usagers à pratiquer le report modal, la part de la route reste encore prépondérante dans nos déplacements et le mode routier devrait, à l’avenir, rester majoritaire. Le report modal doit être incité et est une nécessité, mais il ne permettra pas à lui seul de décarboner le secteur des transports. Face à ce constat, la route est donc le problème, mais aussi la solution : pour décarboner l’économie il faut décarboner les transports et donc décarboner la route et en priorité l’autoroute.
Comment définiriez-vous l’autoroute « bas carbone » ? Concrètement, quelles sont les principales mesures mises en œuvre pour réduire le poids carbone des autoroutes ?
En fait ce n’est pas la route qui pollue mais plutôt l’usage qu’on en fait. Concrètement, cela signifie qu’il faut mieux l’utiliser, et cela passe par 5 grands axes qui couvrent à la fois les besoins associés à la lutte contre le changement climatique, mais aussi à la préservation des milieux naturels. L’objectif, au travers de l’autoroute bas carbone, est donc de préserver un équilibre global.
Le premier axe est relatif au développement des mobilités partagées. Concrètement, il vise à considérer que la route est plus vertueuse lorsqu’elle concentre plus de personnes dans moins de véhicules. Le développement des transports en commun et du covoiturage doivent ainsi être incités par le déploiement d’infrastructures comme des pôles multimodaux, des parkings de covoiturage ou encore des voies réservées par exemple.
Le second axe vise quant à lui l’accueil des véhicules décarbonés. Pour les voitures, l’idée est donc principalement d’offrir aux véhicules électriques des installations de recharge offrant un service de qualité similaire à celle que connaissent les utilisateurs de véhicules thermiques. Cet objectif est essentiel pour donner une véritable place au véhicule électrique et lui permettre de ne pas se cantonner uniquement aux déplacements urbains : il doit pouvoir devenir le véhicule principal et être en capacité de se déplacer sur de longues distances.
Pour le transport de marchandises, deux alternatives pourraient cohabiter ou être en compétition dans un futur proche : l’Electric Road System (ERS) – qui permet à l’autoroute de fournir aux véhicules, pendant le roulage, l’énergie qui leur est nécessaire pour circuler et recharger leur batterie – et l’hydrogène. L’objectif est donc de développer à moyen terme des infrastructures qui leurs soient adaptées. L’ERS est une technologie que nous trouvons très intéressante au sein de VINCI Autoroutes, nous l’expérimentons avec pour objectif qu’elle puisse être mise en place à la fin de cette décennie.
Le troisième axe est relatif à la production d’énergie. Les sociétés autoroutières peuvent grandement contribuer à la production d’une énergie plus propre. Elles disposent en effet de surfaces importantes – par exemple dans des boucles d’échangeur – qui pourraient être en capacité de générer, au travers de l’installation de panneaux photovoltaïques notamment, de l’énergie solaire pouvant être à même de couvrir les besoins des véhicules légers électriques en 2030.
Le quatrième axe concerne la connectivité entre les infrastructures et les véhicules. Le déploiement de systèmes collaboratifs pourra permettre de communiquer en temps réel des informations sur le trafic ou les incidents, des consignes de vitesse ou même de direction. En somme, l’infrastructure pourra être en mesure d’augmenter le champ de vision du véhicule. En fluidifiant le trafic ou dans un contexte de régulation, la connectivité entre les infrastructures et les véhicules pourra ainsi contribuer à renforcer la sécurité, mais aussi participer à diminuer les émissions de CO2.
Le cinquième axe enfin, couvre la résilience et les milieux naturels. Les années à venir risquent de porter avec elles de plus en plus d’évènements climatiques extrêmes ou imprévisibles, il est donc important de les anticiper et d’identifier les points qui vont nécessiter des renforcements pour les adapter à ces éventualités. En parallèle, l’autoroute doit être intégrée dans son environnement et de nombreux partenariats vont en ce sens : l’objectif, qui constitue un axe de travail important sur lequel nous nous penchons depuis plusieurs décennies, est ainsi de transformer l’infrastructure par des projets de renaturation et d’intégration et de mettre en valeur la biodiversité aux abords de l’autoroute.
“Ce n’est pas la route qui pollue mais plutôt l’usage qu’on en fait.”
Pensez-vous que l’autoroute bas carbone soit en mesure de répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ?
Aujourd’hui, avec ce plan, nous sommes en mesure d’aller au-delà des objectifs fixés par la SNBC pour le secteur des transports à hauteur de 30%. Le déploiement de l’autoroute bas carbone est tout à fait en ligne avec les objectifs de lutte contre le changement climatique et met en évidence le fait que la route peut aussi être vertueuse. Cela nécessite cependant la mise en place rapide d’équipements et d’importants investissements.
“Nous sommes en mesure d’aller au-delà des objectifs fixés par la SNBC pour le secteur des transports à hauteur de 30%.”