L’entretien des routes, un levier essentiel de la décarbonation
Les 1 103 800 kilomètres de route qui composent le territoire français supportent la part colossale de 90% des déplacements de voyageurs et 88% du transport de marchandise[1]. Leur entretien est donc primordial : aussi bien pour le confort des usagers que pour leur sécurité. Mais saviez-vous qu’il l’était aussi pour la planète ? Explications avec Brice Delaporte, Directeur adjoint des affaires techniques de Routes de France.
En quoi le mauvais entretien des routes participe-t-il à augmenter les émissions de gaz à effet de serre ?
La première chose à savoir, c’est que plus on retarde dans le temps l’entretien des routes et plus on a besoin de faire des réhabilitations lourdes et coûteuses. Au sein de Routes de France, nous avons récemment mené une étude destinée à objectiver cette tendance vis-à-vis des émissions de gaz à effet de serre.
Avec l’aide de partenaires et du logiciel éco-comparateur SEVE (Système d’Évaluation des Variantes Environnementales), nous avons ainsi défini différents scénarios d’entretien que nous avons appliqués à des chaussées représentatives d’un trafic moyen. Ce travail nous a permis de quantifier les émissions de gaz à effet de serre sur la durée de vie complète d’une infrastructure.
Les chiffres dépendent des scénarios envisagés, mais la conclusion, c’est que dans le cas où l’on sous-entretient les routes on arrive à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre comprise entre 20% et 90% selon les cas, par rapport à la configuration de référence où l’on entretient régulièrement et sur une durée de vie de 50 ans. Il est donc impératif de privilégier un entretien régulier des routes plutôt que de les laisser se dégrader de manière structurelle jusqu’à devoir les reconstruire presqu’intégralement.
En effet, plus la route est endommagée et plus elle nécessite d’importants travaux et matériaux, chacun émetteur de gaz à effet de serre. En outre, sous-entretenir les routes amoindrit également la qualité de service, et donc le confort et la sécurité de l’usager.
Quel est l’état des routes en France ? Sont-elles globalement bien entretenues ?
Même si l’état de la chaussée est variable d’un maître d’ouvrage à l’autre, une tendance se dessine et l’on constate qu’une partie importante du réseau routier est qualifiée d’infrastructure en mauvais état ou nécessitant un entretien. Le rapport annuel de l’Observatoire National de la route, porté par l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (l’IDRRIM), ou encore le rapport de la Cour des comptes de mars 2022[2] rendent compte de cet aspect de façon détaillée.
Par ailleurs, la connaissance de l’état des réseaux routiers reste insuffisante, notamment pour optimiser la programmation des travaux d’entretien.
Quelles solutions voyez-vous pour améliorer l’état de la route ?
La première solution est évidemment de dédier plus de moyens à l’entretien des routes. Mais il faut également que l’on travaille collectivement pour essayer de faire mieux, avec autant de moyens. Au sein de Routes de France, nous travaillons actuellement sur un projet de recherche intitulé « Durée de vie des chaussées » (DVDC) en collaboration avec une quarantaine de partenaires.
Il comprend trois axes : le premier vise à mieux connaître les mécanismes de dégradation des matériaux, et donc leur évolution dans le temps (sous l’effet du trafic, mais aussi du climat).
Le deuxième vise à progresser sur la connaissance de l’état de la chaussée, à partir de méthodes harmonisées d’auscultation et de diagnostic automatisées ou à grand rendement. Plus précises, elles permettent de mieux hiérarchiser les sections sur lesquelles il faut intervenir rapidement.
Le troisième axe vise enfin à dégager, à partir de tout cela, une meilleure connaissance de la durée de vie résiduelle des infrastructures afin d’optimiser les solutions de travaux que l’on va mettre en place sur le réseau. Ce projet aboutira à la fin de l’année 2022, il apporte sa pierre à l’édifice et l’on espère que ses méthodes pourront être utilisées de manière opérationnelle par toutes les parties prenantes.